Ces parents font partie d'une vieille famille de Grèce, plus précisément de Théssalie. Ils sont considérés comme des nobles, qu'importe ce que cela peut signifier aux yeux des autres, pour Euènia cela n'a jamais été autre choses qu'une source d'ennui. Elle n'aime pas s'en plaindre car après tout avec les différents vignobles et marché que possède sa famille, elle n'a jamais connu la pauvreté, la faim, la misère. Elle a vécu dans cette grande maison avec des serviteurs pour s'occuper des tâches quotidiennes. L'éducation, la sagesse, elle a eu le droit aux meilleurs percepteurs de la ville. Toute cette connaissance la jeune femme la chérissait au plus au point, mais elle s'était toujours sentie obligée envers ces parents, étant fille unique elle avait ces responsabilités, ce devoir à respecter.

C'est à cause de ce devoir qu'elle s'était retrouvée au bord de cette falaise.

Un brin d'air chaud vint caresser la peau de la jeune femme simplement vêtue d'une robe en lin blanc, presque transparente. L'été était arrivé et la chaleur commençait déjà à devenir écrasante. Après une longue ascension en haut de cette montagne, le linge lui collait légèrement à la peau et des gouttes de sueurs coulaient le long de son visage tandis que ces cheveux étaient collés à son crâne. Jamais elle n'avait couru aussi vite, aussi fort, avec un tel désespoir qu'Euènia ne remarqua qu'une fois arrêté que ces poumons étaient en feu, sur le point d'exploser. Pourquoi il avait fallu que ce soit lui ? Pour l'amour de ces parents, pour l'honneur de la famille, elle avait toujours fait ses devoirs, respecter la volonté de ces parents même si ce n'était pas la sienne. Eux avant elle, toujours. Ô que les dieux lui pardonnent cet échec, elle avait tellement essayé, si fort, si longtemps, mais elle ne pouvait plus. Toutes ces remarques, tous ces gestes violents, malgré la chaleur ses poils se hérissèrent rien qu'en repensant à l'homme qui était censé être son futur époux. Odieux personnage. Comment les déesses de la justice ne l'avaient pas encore puni ? Peut-être était elles aveuglent ? Peut-être que trop d'années s'étaient écoulées et que les dieux ne les écoutaient plus, ne s'intéressaient plus à eux. Ou alors était telle trop narcissique ? Ces problèmes n'avaient rien de sérieux, pourquoi des dieux s'en intéresseraient et feraient quelque chose à ce sujet ? Ces mains caressaient les coquelicots tandis qu'elle se rapprochait de la falaise. Non, elle n'était pas assez forte pour cette épreuve. Elle ne pouvait pas, ne pouvait plus. Douloureusement elle se massa le cou qu'on lui avait préalablement étranglé après l'avoir une nouvelle fois humiliée verbalement. Elle n'était rien, personne, un grain de sable qui se coince dans les sandales. Toute cette haine à son égard, la seule chose qui lui valait son regard et ce mépris était son existence, le simple fait qu'elle respire. A cause d'elle, il n'avait pas pu épouser la femme de sa vie, sa famille lui ayant demandé de remplir son rôle et d'épouser la fille de la famille puissante de la ville. L'amour était-il si grand pour faire autant souffrir les autres ? Était-ce réellement l'émotion la plus forte et la plus importante entre toutes les autres ? Rien que de repenser à tout ceci lui donnait la nausée, sa tête allait exploser. Se laissant tomber brutalement sur ces genoux, Euènia éclata en sanglot.

"Cette vie est trop dure, Ô dieux et déesses pardonner moi. J'ai toujours fait tout ce qu'on attendait de moi, j'ai toujours fait passer les autres avant moi et pour quoi ? Pour qu'on me menace, m'insulte, me salit, me violente par mépris pour une chose que je n'ai même pas souhaité ? Je suis si égoïste que je m'apitoit sur mon sort en vous appelant à l'aide alors que vous avez de meilleures choses à faire, je suis faible, si faible. Et je suis lasse, si lasse... Peut-être que je mérite de naviguer à jamais dans le Styx sans jamais trouver la paix..."

Sa dernière phrase n'était plus que murmure, elle était seule, cette solitude elle l'avait connu toute sa vie, elle l'avait même considérée comme son amie, mais là ce n'était plus rien d'autre qu'une entrave qui se ressere encore et encore l'étouffant. Le regard dans le vide, elle fixe l'horizon. Les vagues se fracassent en contrebas contre la roche de la montagne. Euènia se releva. Fixa le vide. Avança. S'arrêta. Avança de nouveau et cette fois-ci elle ne s'arrêta pas. Qui la pleurait de toute façon ? L'ego de ces parents serait blessé c'est certains, mais ce ne seront pas des larmes de chagrins qui couleront le long de leurs joues, mais des larmes de rage. Quant à son fiancé, ce sera des larmes de joie. Rien ne l'a jamais retenu sur cette Terre, sa venue au moins n'est rien d'autre qu'une erreur. Elle ferma les yeux quand son pied se trouva enfin dans le vide, elle fit ce dernier pas et tomba. La chute fut plutôt agréable, le vent sifflait dans ces oreilles et le bruit de la mer se faisait de plus en plus proche. Toutefois, l'impact n'arriva jamais. Timidement elle avait ouvert les yeux pour découvrir deux grands yeux bruns qui l'observaient avec curiosité et un peu de malice.

"Êtes-vous ici pour déposer mon âme dans le Styx ?" avait-elle demandé avec lassitude et douceur. Elle était dans les bras de ce beau jeune homme, qui la regardait avec tellement d'amusement que cela la troublait. Avait-elle dit quelque chose de complètement insensé ? Sans un mot, ils s'envolèrent en haut de la falaise de l'endroit qu'elle avait quittée quelques secondes plus tôt. Il la déposa doucement et lui caressa le bras un clin d'oeil aguicheur accompagnant son geste. Un long frisson qu'elle ne se savait pas capable d'éprouver parcourut le corps de la jeune femme et elle se recula gênée de l'inconnu. Ce dernier s'inclina légèrement avant de relever la tête fièrement et de dire avec un grand sourire. "Hermès, pour vous servir. Je crains que ce n'est pas encore le moment de rejoindre le Styx ma belle." Euènia ouvrit en grand la bouche et la referma à plusieurs reprises. Est-ce qu'un dieu avait réellement pris le temps de l'écouter et de la sauver ? Déboussolée elle se prosterna, ne sachant pas quoi faire d'autre. "Olalala, pas de ça belle dame." Dit-il en lui prenant le bras pour la relever.

"Je... je..."

"Tu ?" Répliqua-t-il décidément très amusé de cette situation et de l'effet qu'il faisait.

"Je ne comprends pas, m'avez vous écouter seigneur Hermès ? Venez vous de me sauver la vie ? Je ne pensais pas en être digne."

"Je passais par là et il se trouve effectivement que je t'ai entendu." La réalité était qu'il l'avait suivi depuis la ville ayant assisté à la dispute avec son fiancé. Il s'ennuyait alors il avait été curieux du comportement de la brune. Au début, il n'écoutait même pas ce qu'elle disait et il faillit même ne pas la voir sauter de la falaise. Il ne savait pas pourquoi il l'avait sauvé en réalité. Elle était belle, mais Hermès avait connu des humaines beaucoup plus belles et surtout ce n'était rien à côté des nymphes ou des déesses.

Il l'observa quelques minutes en silence. Il voyait bien qu'elle attendait qu'elle lui dise quelque chose mais il ne savait même pas la moitié de ce qu'elle avait dit... Il inspira profondément avant de prendre la parole. "Tu as deux options, la première tu sautes de nouveau et tu rejoindras bien le Styx cette fois-ci. La seconde, tu te prends en main, tu quittes tout ce qui te rend malheureuse et tu vis." Silencieuse, la brune se retourna vers la mer et réfléchissa. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait, comment mener une vie qui n'est pas dictée par les autres. "Je…” Dit-elle en se retournant vers le dieu, mais ce dernier avait déjà disparu. Euènia aurait voulu le remercier, lui demander conseil, mais il avait déjà assez perdu de temps avec elle… Un long soupir s’échappa de ces lèvres tandis que ces pas prirent la décision pour elle. Tandis que la mer s’éloignait dans son dos, un petit sourire encourageant s’échappa de ces lèvres. Elle partirait dans la nuit, s’enfuyant sans jamais se retourner avec des économies et quelques vêtements, rien de plus. Une nouvelle vie l’attendait.

Euènia avait fui sa famille, son fiancé, sa ville, elle était partie le plus loin possible et avait décidé d’honorer celui qui lui avait donné une seconde vie. Elle devient prêtresse dans le temple d’Hermès et elle eut l'agréable surprise de le rencontrer plusieurs fois au cours de ces prières. Les deux commencèrent à s’apprécier, ils aimaient passer du temps à se moquer l’un de l’autre et se taquiner. La jeune femme avait évidemment beaucoup de respect pour le dieu, mais il déclenchait en elle des traits de caractère qu’elle en soupçonnait pas.

L’air chaud flottait dans l’air tandis que le sable commençait à se teinté doucement de sa couleur foncée au fil des gouttes qui s'écrasaient sur le sol. “Ne pleure pas, pourquoi le fais-tu ?” demanda-t-il d’une voix surprise, essuyant avec ces mains les larmes qui coulait le long des joues de la jeune femme. Le fracas des vagues qui s'échouent en bout de course étouffa un sanglot. Sa voix avait été si basse, si chaude, qu’elle n’avait pas été certaine qu’il ait prononcé le moindre mot. Ces mots lui manquaient, elle avait l’impression que si elle disait quoique ce soit son cœur allait lui être arraché de la poitrine tellement il était douloureux. “Tu.. tu ne m’aimes pas en retour, tu ne m’aimes pas…” Prononça-t-elle avec difficultés. Dire ces mots avaient été si difficile qu’elle avait l’impression d’avoir utilisé toute l’air qui lui restait dans ces poumons. elle étouffait. Sa vision était brouillée par les larmes et la pluie. Un sanglot plus fort s’échappa de sa bouche et elle baissa la tête. Il l’a relevé avec douceur, remplaçant une mèche brune derrière son oreille. Son pouce caressa doucement le creux de sa joue, tandis que son regard se perdait dans le sien. Les traits si fins du visage du jeune homme était un supplice, un rappel de sa beauté irréel, trop beau pour être vrai, trop lisse pour être touché. Il posa son front contre le sien, la prenant dans les bras. La pluie commençait à tomber de plus en plus fort et on avait l’impression que son corps faisait barrage, les protégeant tous les deux des gouttes d'eau. Elle s’accrocha à lui désespérément, voulant s'accrocher à cette chaleur qui se dégageait de son corps à lui, s’enivrant de son odeur elle avait peur de tomber dans un vide sans fond si jamais il l’a lâchait. “Évidemment que je ne t’aime pas, idiote, je ne le peux pas…” Murmura-t-il si bas que l’éclair qui tonna étouffa la fin de ces paroles. Il disparu soudainement, laissant un vide dans les bras de la jeune femme. Le froid de la pluie lui fit comme un électrochoc. Elle se releva et cria, courant après une ombre qui s'enfuit, qui s'évapora sans qu’elle ne puisse jamais le rattraper.

C’est dans un sursaut qu’Euènia se réveilla. Se n’était qu’un cauchemar. Cette rencontre avec Hermès n’avait jamais eu lieu. Tout allait bien. Tout allait bien… se tenta-t-elle de se persuader. Ce rêve était peut-être une vision de l’avenir, mais la jeune femme prétenda ne jamais y avoir pensé, préféra faire comme si ce cauchemar n’avait jamais eu lieu.